Pathé Ouedraogo, le couturier des princes est un homme modeste et chaleureux. Originaire du Burkina-Faso, il est âgé d’une quinzaine d’années lorsqu’il arrive en Côte d’Ivoire, en 1969, pour y apprendre le métier de couturier. «A l’époque, on allait vers cette profession quand on n’avait pas d’autre issue», se souvient Pathé’O. C’est plus tard qu’il comprend que ce métier «donne une joie de vivre». Il crée les célèbres chemises en pagne de Nelson Mandela, habille Laurent Gbagbo, et Alpha Oumar Konaré, l’ex-président du Mali. Tout en multipliant les défilés, il forme de jeunes stylistes, qui sont aujourd’hui de grands noms de la haute couture ivoirienne.
Le président sud-africain Nelson Mandela est sans doute le meilleur ambassadeur de la mode africaine à travers le monde. Qu’il soit reçu à l’Elysée ou à la Maison-Blanche, l’ex-dirigeant de l’ANC ne porte que des chemises manches longues aux couleurs gaies, taillées dans les étoffes africaines les plus traditionnelles: pagne baoulé, tissu kita du Ghana, bogolan malien, etc. Mais où sont-elles donc créées? Dans un atelier de Treichville, quartier populaire d’Abidjan, en Côte-d’Ivoire. Ces chemises naissent des doigts d’un homme de 54 ans, le très discret Pathé’O.
Le «O», c’est pour Ouédraogo, le patronyme le plus répandu au Burkina Faso, son pays d’origine. Car Pathé’O est né dans un village du «pays des hommes intègres». Fils de cultivateurs, il est arrivé dans la mode «par nécessité», «pour avoir de quoi manger». Son apprentissage de couture, il le fait sur le tas, auprès de petits tailleurs locaux et grâce à des cours par correspondance avec l’Italie. Aujourd’hui, il est considéré comme l’aîné très respecté de la profession. Très médiatisé aussi. Trop à son goût. «En Afrique, être connu est un handicap, explique-t-il. On croit que vous n’habillez que des célébrités.» Pathé’O est pourtant l’un des seuls couturiers noirs à fabriquer du prêt-à-porter, la grande majorité des autres se cantonnant à faire du sur-mesure destiné à une élite. «Pour moi, la priorité est le marché africain. Les gens d’Angola ou du Mozambique qui ont connu la guerre ont envie de mode africaine. Et puis d’ailleurs, l’Europe s’intéressera à notre mode quand l’Afrique s’y intéressera elle-même.» Amer, Pathé’O. En rogne contre ces chefs d’Etat africains «toujours coincés dans leurs petits costumes-cravate». «Qu’ils poussent les investisseurs à nous soutenir», clame celui qui est vice-président de la Fédération des créateurs de mode africaine (créée en 1993). Mais Pathé’O garde espoir. «Il y a dix ans, en Côte-d’Ivoire, jamais une dame ne serait venue en pagne à une cérémonie officielle. Aujourd’hui, elles sont fières d’arborer la tenue traditionnelle griffée par un de nos créateurs.»